RUE: la Chapelle du Saint-Esprit et les travaux des frères Duthoit
La ville de Rue possède avec ce trésor classé un des plus jolis modèles de l'art flamboyant en Picardie. De nombreux archéologues et historiens se sont intéressés à ce joyau: Ernest Prarond, Florentin Lefils, Hyacinthe Dusevel, l'abbé Gosselin, l'abbé Lesueur, Pierre Dubois, et surtout Roger Rodière dans la Picardie Monumentale et Historique (Première partie du Tome III) et Léon Aufrère dans le bulletin de la SEA (Tome 12, 1924, p.405 et 524)
Louis Duthoit nous montre ici l’étendue de son talent. Certains éléments pittoresques sont minutieusement détaillés : l’oiseau dans sa cage et le chapeau du prêtre au Temple, l’encolure du bœuf dans la Fuite en Egypte et le ciselage des feuilles d’arbres.
La Vierge à l’Enfant du portail
On retrouve le drapé animé avec les étoffes superposées, caractéristiques du style de Louis Duthoit. A cela s’ajoutent la longue chevelure déployée en mèches enroulées sur les épaules, la couronne dentelée ainsi que la riche passementerie qui borde le manteau.
Le portail principal comprend deux portes basses en anse de panier séparées par un trumeau. Ce dernier se couronne d'un beau chapiteau qui supporte une Vierge mère. La tête de l'Enfant est brisée ainsi qu'une grande partie du corps. A hauteur de la Vierge, le linteau du portail est sculpté de gros feuillages. Sept niches disposées sur trois étages forment le tympan. Elles abritent des groupes en bas-relief représentant les Sept Douleurs de la Vierge.
- La Présentation au Temple
- Jésus parmi les Docteurs
- Une station du Chemin de Croix
- La Crucifixion
- La Mise au Tombeau
- La Pietà
Au deuxième étage, on remarque dans les écoinçons, les statuettes agenouillées de Louis XI et d'Isabeau de Portugal, les deux bienfaiteurs de la Chapelle. Toute la sculpture du tympan est due au ciseau des frères Duthoit, dont les travaux s'échelonnent de 1853 à 1870.
Sous la Vierge à l'Enfant, Louis Duthoit a sculpté les quatre évangélistes sur le pilier du trumeau, en 1868. Ces statuettes, hautes de 30 cm, sont accompagnées de leurs attributs traditionnels. Les barbes et les chevelures aux petites boucles rappellent le style propre à Louis Duthoit.
En 1863, Louis Duthoit a sculpté le visage de Saint Vulphy sous les traits de l'abbé Pierre François Gaudefroy, doyen de Rue, de 1826 à 1853.
Saint-Firmin, quant à lui, a été sculpté sous les traits de Mgr Jacques Antoine Boudinet évêque d'Amiens de 1856 jusqu'à sa mort, en 1873.
L'arrivée du Christ miraculeux dans le port de Rue
Dès le XIIIe siècle, le Crucifix miraculeux, vénéré dans la Chapelle du Saint-Esprit, attire une grande foule de pèlerins. On raconte sur cette sainte image, une légende analogue à celle du Christ byzantin, dit de Saint-Sauve, qui se trouve dans une des chapelles du déambulatoire de la cathédrale d'Amiens. La mer le dépose sur la plage, le premier dimanche d'août, en l'an de grâce 1100. Un habitant de Rue, se promenant à marée basse, remarque une barque de forme inconnue. Dans cet esquif sans mât, sans voilure et sans gouvernail, il aperçoit un Christ sculpté plus grand que nature, les bras appuyés sur le bordage. La légende ajoute que c'est guidé par Dieu, à la demande de Saint-Wulphy, curé de Rue au VIIe siècle, que ce Crucifix vient s'échouer sur la plage. Le clergé rapporte la sainte relique dans l'église de Rue, où elle fut déposée dans la chapelle du Saint-Esprit. Un siècle après, une seconde légende vient s'ajouter à la première. Les Abbevillois, jaloux de cette trouvaille miraculeuse, obtiennent du Parlement de Paris que cette image sacrée quitte cette petite ville de Rue pour venir enrichir leur cité. Mais les chevaux ne purent jamais faire avancer le chariot sur lequel on avait placé le Christ. Une force miraculeuse paralysait les bêtes. Dieu s'était prononcé et Rue pouvait conserver sa précieuse statue.
Les deux statues en chêne qui encadrent le coffre d'autel représentent saint Fursy et saint Josse.